RÉUNION DES MINISTRES DE L’AGRICULTURE AFRICAINS DÉCLARATION SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET LA NUTRITION DURANT LA PANDÉMIE DE COVID-19

  
  
30 / 04 / 2020

RÉUNION DES MINISTRES DE L’AGRICULTURE AFRICAINS DÉCLARATION SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET LA NUTRITION DURANT LA PANDÉMIE DE COVID-19

RÉUNION DES MINISTRES DE L’AGRICULTURE AFRICAINS

 

DÉCLARATION SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET  LA NUTRITION DURANT LA PANDÉMIE DE COVID-19

 

16 avril 2020

 

TEXTE FINAL

 

 
   


NOUS, Ministres de l’agriculture des États membres de l’Union africaine, réunis virtuellement le 16 avril 2020 avec l’appui du Département de l’économie rurale et de l’agriculture de la Commission de l’Union africaine et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO),

CONSTATANT AVEC UNE VIVE PRÉOCCUPATION que la pandémie de covid-19 pose des problèmes de taille en Afrique, où la situation est déjà très tendue sur le plan sanitaire, en matière de sécurité alimentaire et de nutrition et, d’une manière générale, sur le plan socio-économique; la pandémie a un impact direct et de plus en plus marqué sur le plan sanitaire, qui se traduit par une augmentation des taux de morbidité et de mortalité et conduit à l’engorgement rapide des services de santé, avec des répercussions négatives pour le traitement des pathologies qui ne sont pas liées à la covid-19; sur le plan économique, le recul de la demande et de la production des pays les plus économiquement développés, qui ont été initialement frappés le plus durement, provoque une récession mondiale, avec un contrecoup direct pour l’Afrique; compte tenu de la propagation du virus sur le continent, l’instauration de mesures d’endiguement − distanciation sociale, quarantaine, fermeture des établissements scolaires, interdiction des réunions et assemblements publics, fermeture des entreprises non essentielles et arrêt des activités économiques non indispensables − sera lourde de conséquences,

NOTANT que la pandémie de covid-19 touche un nombre croissant de communautés dans toute l’Afrique et que les efforts consentis par les États pour contenir la propagation du virus doivent nécessairement s’accompagner de mesures visant à altérer le moins possible le fonctionnement des systèmes alimentaires et agricoles et à protéger les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire des plus vulnérables; jusqu’à maintenant, la crise naissante a été principalement envisagée dans l’optique de la santé publique (ce qui est justifié) et c’est seulement maintenant que les stratégies, équipes spéciales et fonds nationaux sont en train de se focaliser peu à peu sur les incidences au plan économique et en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle; dans les pays qui ont mis en œuvre des mesures sanitaires pour ralentir la propagation du virus, on perçoit les premiers signes de déstabilisation des maillons d’amont et d’aval des chaînes alimentaires et agricoles,

NOTANT ÉGALEMENT que la pandémie de covid-19 pourrait se traduire par une déstabilisation de l’offre dans la région. Dans la plupart des pays africains, les systèmes alimentaires et agricoles font appel à une main-d’œuvre abondante, aussi le manque de travailleurs imputable aux restrictions imposées à la mobilité des personnes est-elle susceptible de compromettre à la fois la fourniture des intrants nécessaires aux activités agricoles, en amont, et les activités de commerce, de transformation et de transport, en aval; un tel phénomène pourrait concerner les produits agricoles dans leur ensemble, mais en particulier les denrées horticoles périssables, comme les légumes, les fruits et les fleurs, ainsi que les produits carnés et laitiers,

OBSERVANT que la dépendance vis-à-vis des importations extrarégionales de produits alimentaires, en particulier à destination des zones urbaines, rend les pays africains plus vulnérables au dérèglement de la logistique et de la distribution à l’échelle internationale, difficulté à laquelle s’ajoutent des problèmes de production dans d’autres pays; cette situation pourrait se traduire par des pénuries alimentaires et par une augmentation des prix des aliments, en particulier lorsque la dépendance vis-à-vis des importations est forte, comme c’est le cas dans de nombreux pays à faible revenu et sans littoral et dans de nombreux petits États insulaires en développement; ces facteurs s’ajoutent aux pertes de revenu des consommateurs, qui n’ont guère d’épargne et qui n’ont qu’un accès limité aux filets de sécurité publics, aussi la covid-19 fait-elle également peser de lourdes menaces sur la demande, en particulier pour les populations pauvres et vulnérables; les consommateurs nets de produits alimentaires les plus pauvres sont exposés à un risque très élevé, dans les zones rurales et, surtout, dans les zones urbaines,

 

CRAIGNANT que ces impacts n’aggravent encore davantage une situation qui se caractérise déjà par une forte prévalence de la faim, de la malnutrition et de la pauvreté en raison des problèmes qui se posent dans les zones rurales, y compris les infestations de criquets pèlerins, les ravages de la légionnaire d’automne, les sécheresses, les conflits et l’insécurité; la perturbation des voies de transhumance traditionnelles et la création de nouveaux itinéraires peuvent entraîner des tensions, des troubles sociaux et des déplacements locaux, ainsi qu’une augmentation des taux de pauvreté et d’insécurité alimentaire et nutritionnelle,

CONSCIENTS que la pandémie de covid-19 a, en particulier, également aggravé une autre crise majeure, à savoir l’infestation de criquets pèlerins, qui fait peser une menace sans précédent sur la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance en Afrique; alors que de nombreuses personnes appliquent des mesures de prévention contre la covid-19 sur le continent, à savoir la distanciation sociale, le confinement au domicile et la quarantaine, des centaines de milliards de criquets pèlerins détruisent leurs cultures; la conjonction des infestations de criquets et de la covid-19 pourrait balayer tout espoir de sécurité alimentaire et mettre en situation de famine prolongée et en danger de mort des populations entières, en particulier en Afrique de l’Est, si des mesures d’urgence ne sont pas prises pour faire face à cette situation,

EXHORTANT les gouvernements à accorder la priorité au système agro-alimentaire, en ce qu’il constitue un service essentiel dont la continuité est impérative en période de confinement, d’urgence, de couvre-feu ou dans toute autre situation où des mesures sont prises pour endiguer une crise sanitaire; il faut que les interventions relatives à la commercialisation de produits agricoles et alimentaires tiennent compte du fait que tous les types de systèmes alimentaires – modernes, traditionnels (marchés ouverts, petits commerçants) et informels (vendeurs de rue) – jouent un rôle crucial en ce qu’ils approvisionnent différents marchés et nourrissent une grande partie de la population, contribuant ainsi au maintien d’un système alimentaire résilient, indispensable pour réduire au minimum les répercussions de la pandémie de covid-19 sur les personnes, la société et l’économie,

APPELANT les institutions des Nations Unies, les banques de développement multilatérales, les pays donateurs et les autres partenaires à considérer que la situation actuelle revêt un caractère d’urgence, à accroître leurs efforts et à fournir des ressources, notamment financières, afin d’aider les pays qui ne disposent pas de moyens suffisants pour remédier à cette crise; cette aide doit viser à renforcer les systèmes de santé de ces pays et à rendre leurs systèmes alimentaires plus résilients, et ainsi à éviter qu’une crise de la sécurité alimentaire ne se transforme en catastrophe humanitaire plus grave,

SALUANT le fait que, en dépit de ces difficultés, la région a accompli des progrès considérables s’agissant d’accorder la priorité à la protection sociale en tant qu’élément essentiel des stratégies de réduction de la pauvreté et de développement rural, notamment dans le contexte de la Déclaration de Malabo du PDDAA; le moment est critique et il faut redoubler d’efforts dans ce domaine,

SACHANT que la pandémie de covid-19 frappe l’Afrique à l’heure où des conflits prolongés sévissent encore dans certaines régions, où le nombre de personnes déplacées atteint des sommets (plus de 20 millions), où beaucoup de nos enfants souffrent de malnutrition et où 20 pour cent de nos concitoyens sont touchés par la faim chronique, parfois au point d’être en situation d’insécurité alimentaire aiguë,

CONSCIENTS que l’insécurité alimentaire et la malnutrition pourraient aggraver la situation sanitaire des populations concernées dans le contexte de la covid-19,

RECONNAISSANT que le développement durable des systèmes agricoles et alimentaires en Afrique peut contribuer directement à atténuer les conséquences négatives actuelles sur la santé publique, sur l’emploi des jeunes, sur l’éducation et sur le développement économique et social, ainsi qu’à limiter les migrations de détresse qui en découlent et la tendance à se livrer à des activités illégales ou source de désordre social,

NOUS ENGAGEONS PAR LA PRÉSENTE À:

  1. Faire en sorte que des mesures soient en place pour soutenir la sécurité alimentaire et la nutrition de tous, en particulier des catégories de population les plus vulnérables, en complément de mesures destinées à contenir la propagation de la covid-19 tout en réduisant au minimum les perturbations des systèmes alimentaires;
  2. Mettre en place des filets de sécurité, y compris des mesures de protection sociale (transferts d’espèces, fourniture d’aliments et autres), afin d’aider tous les groupes vulnérables;
  • Veiller à ce que les acteurs et les activités agricoles à tous les niveaux, en particulier durant la récolte, ne soient pas gravement touchés par des conséquences non intentionnelles des mesures de confinement et des restrictions imposées à la circulation, tout en assurant la sécurité de l’environnement de travail des producteurs, des commerçants et des travailleurs;
  1. Veiller à ce que, à mesure de l’évolution d’un foyer infectieux, les activités du système alimentaire et agricole soient soigneusement surveillées et évaluées et que tous les acteurs concernés soient informés en temps opportun et de manière transparente et bien conseillés au sujet de la poursuite de leurs activités;
  2. Veiller à ce que les agriculteurs aient accès en temps opportun à du matériel et à des intrants agricoles de qualité, notamment des semences et du matériel de plantation durant la présente campagne;
  3. Veiller à ce que les éleveurs, y compris les éleveurs pastoraux, et les aquaculteurs aient accès aux intrants dont ils ont besoin, tels que les fourrages et la jouissance des terrains de pâture, ainsi que des intrants piscicoles de qualité afin de soutenir le secteur de l’aquaculture;
  • Mettre en place des mesures visant à réduire les pertes après récolte de denrées alimentaires afin d’accroître les disponibilités alimentaires sur les marchés;
  • Nous attaquer simultanément, en tant que gouvernements et avec nos partenaires, au double fardeau de la covid-19 et du criquet pèlerin, qui, ensemble, constituent un défi de grande envergure qui doit rester au cœur du programme d’action d’urgence en Afrique.
  1. Travailler avec les dirigeants locaux afin de veiller à ce que les marchés alimentaires et agricoles en aval et en amont, ainsi que le secteur alimentaire non structuré, restent en activité et fonctionnent correctement, tout en respectant les directives en matière de santé et de sécurité;
  2. Travailler avec les commerçants et les transporteurs des filières alimentaires et agricoles, ainsi qu’avec les responsables d’autres secteurs et les pouvoirs publics locaux pour desserrer les goulets d’étranglement qui entravent la circulation dans des conditions de sécurité des personnes, des biens et des services essentiels pour le système, ainsi que les activités de transport et de commercialisation des denrées;
  3. Maintenir ouvertes les frontières nationales pour le commerce des produits alimentaires et agricoles afin de ne pas perturber le commerce régional et interrégional des produits et intrants alimentaires et agricoles;
  • Veiller à la mise en place de réserves alimentaires stratégiques et d’installations d’entreposage adéquates pour répondre aux situations d’urgence, notamment par le biais de partenariats public-privé, si les conditions le justifient et le permettent, en lien direct avec les programmes de protection sociale;
  • Permettre à chaque pays de prendre les rênes dans la réalisation du programme de sécurité alimentaire et de nutrition national, afin d’obtenir des résultats concrets, en mettant en place des politiques et des stratégies pragmatiques, en mobilisant et en allouant des ressources suffisantes, et en renforçant les capacités et compétences institutionnelles, en vue d’accélérer la mise en œuvre intégrée et coordonnée de systèmes alimentaires et agricoles durables, même pendant la pandémie de covid-19;
  • Redoubler d’efforts et intensifier les actions concertées, en coopération avec toutes les parties prenantes, en vue de garantir la sécurité alimentaire et la nutrition de tous nos concitoyens pendant et après la pandémie de covid-19 et de faire en sorte que l’Afrique puisse respecter son engagement d’éliminer la faim d’ici à 2025.

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